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Les défis du dérèglement climatique

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Introduction

« Dans la longue et laborieuse évolution de la race humaine sur la terre, le moment est venu où, grâce aux progrès toujours plus rapides de la science et de la technique, l’homme a acquis le pouvoir de transformer son environnement d’innombrables manières et à une échelle sans précédent[1]. » Cette citation est extraite de la déclaration de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, du 5 au 16 juin 1972 à Stockholm : cette conférence est d’une importance capitale, car c’est la première fois que les membres des Nations Unies se rassemblent pour évoquer la question de l’écologie, élevant celle-ci au rang de préoccupations internationales[2]. Cet extrait du premier chapitre du rapport met en avant la responsabilité de l’Homme face à sa capacité de transformation de son environnement par son activité. En effet, le développement de la race humaine au cours des 12 000 dernières années s’est faite dans l’Holocène, période géologique interglaciaire ayant permis la migration des populations vers le nord, plus habitable ; les géologues estiment cependant que nous sommes depuis les années 1950 dans l’ère de l’Anthropocène, l’âge des humains, une époque « marquée par une grande accélération de l’activité humaine dans un contexte économique de reconstruction, d’industrie performante et de modernisation de l’agriculture. »[3]

Ainsi, après s’être approprié la planète pour assurer la survie et la pérennité de son espèce, l’Homme, lors des dernières décennies, a modelé la planète pour son développement : aujourd’hui, seule 5% de la surface terrestre n’a pas été altérée par l’activité humaine ; 44% n’a été que peu modifiée, principalement les forêts boréales et les déserts[4]. Cela s’est fait sans tenir compte des conditions ayant assuré sa prospérité pendant les millénaires précédents : aujourd’hui, ce sont 6 des 9 limites planétaires qui sont dépassées, contre 4 en 2015[5]. Notre train de vie ne semble aujourd’hui pas compatible avec une existence durable sur notre planète.

Des initiatives ont été mises en place, tant au niveau international que local, pour tenter de remédier à cette situation. Des objectifs sont fixés et les problèmes clairement identifiés. Cependant, ces problèmes sont souvent abordés par le biais de solutions technologiques, axées sur le développement de nouveaux produits et services avec une consommation vendue plus vertueuse, plutôt que sur une réduction de la consommation.

Cette vision techno-centriste a permis à l’humanité de se développer au fil des millénaires : la roue, l’imprimerie, la machine à vapeur, l’électricité, Internet sont autant d’inventions ayant permis à l’espèce humaine de s’affranchir des barrières et de conquérir le monde. Cependant, à l’aune des limites écologiques aujourd’hui atteintes, cette vision n’est-elle pas révolue ? Les solutions techno-centrées sont-elles le salut de l’humanité, ne sont-elles pas une fuite en avant, amenant vers l’extinction de notre espèce et de la vie sur Terre telle que nous la connaissons ? Pouvons-nous seulement répondre aux défis du dérèglement climatique autrement que par le développement de nouveaux produits plus durables ? Si oui, quelles sont les solutions, existent-elles déjà sur certains territoires et sont-elles reproductibles ? Leur efficacité est-elle suffisante pour redresser la situation ? Ces changements incombent-ils aux citoyens, ou est-ce à l’État d’imposer les changements nécessaires ?

Nous nous sommes penchés sur ces questions, à travers une série d’articles, fruits de nos recherches et nos réflexions individuelles, sur des domaines qui nous tiennent à coeur : numérique, urbanisme, transport, propriété, déchets, médias, réglementations, éducation, spatial et politique.

Bonne lecture !

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

         

Conclusion

Urbanisme, transport, éducation, numérique… Pour vivre durablement et permettre à notre planète de se remettre des erreurs du passé, les défis à relever s’annoncent nombreux et complexes.

Nous avons vu que le numérique, grâce à la masse de données générées et l’exploitation de ces données, est un outil qui apparaît indispensable pour la transition écologique. Cependant, son impact environnemental n’est pas négligeable. Or, de par l’immatérialité de son activité, cet impact est difficilement appréhendable par l’utilisateur. Aujourd’hui, des efforts de sensibilisation sont nécessaires, pour avertir la population sur l’impact de son usage. Nous nous sommes donc intéressés à l’impact de la vidéo (60% du trafic internet), et notamment du streaming, dont la demande est en forte croissance alors que son impact environnemental n’est pas durable. Des solutions pour limiter cet impact existent, à la fois technologiques (compression des vidéos), mais aussi et surtout comportementales : réduire la qualité des vidéos, télécharger plutôt que regarder en direct, visionner en wi-fi plutôt qu’en 4G ou 5G, désactiver la lecture automatique… 

Nous avons également discuté de l’ère du tout robotique, notamment des progrès de l’IA. Nous avons vu que de nombreux obstacles se posaient à cette piste pour notre futur : malgré son intérêt économique et la suppression de métiers pénibles que la robotisation pourrait apporter, les ressources naturelles limitées, les transitions sociales, philosophiques et politiques nécessaires semblent compromettre cet avenir.

Le BTP (bâtiment et travaux publics) est aussi un secteur impactant et impacté par le dérèglement climatique : premier producteur de déchets, il doit aussi faire face aux dérèglements du climat. En perpétuelle lutte contre la nature, ce secteur s’est principalement développé par le perfectionnement de nouvelles technologies. Aujourd’hui, l’accroissement des événements climatiques montre les limites de ce mode de développement. En conséquence, les organisations mondiales préconisent des infrastructures résilientes, pour construire avec la nature : faciliter l’écoulement et l’absorption des eaux, la circulation de l’air, utiliser des matériaux clairs pour refléter les rayonnements solaires… Plutôt que d’innover sur la technologies des constructions (robustesse des matériaux, outils plus performants), il faudrait concentrer les efforts sur des solutions techniques pour s’adapter et anticiper les contraintes naturelles. Dans le cas de l’adaptation des villes à la montée des eaux, la lutte des Pays-Bas au fil des siècles est un exemple de l’échec de la technologie et du succès de la technique conciliant ingénierie et nature.

Nous avons aussi parlé du problème des transports, notamment des véhicules électriques ou à hydrogène, dont la part du marché augmente exponentiellement. Remplacer sa voiture thermique par une électrique, bien que moins consommatrice, ne peut être une solution suffisante et durable (quantités de ressources limitées, extraction coûteuse…). Nous devons surtout faire évoluer notre rapport au transport : trajets moins longs, vélo, transports en communs, covoiturage… Ici aussi, bien qu’une solution technologique semble de prime abord plus vertueuse, elle n’apparaît pas suffisante sur le long terme, un changement de nos habitudes est nécessaire.

Relever ces défis passera par la mobilisation de tout un chacun. Malheureusement, le travail de sensibilisation des médias n’est pas au niveau de l’urgence climatique. Couverture faible, résultats d’études déformés pour accentuer les catastrophes au détriment de phénomènes de fond tels que le dérèglement météorologique, propos alarmistes minimisant l’implication des citoyens… À cela s’ajoute une inaction politique face aux mises en garde des scientifiques à ce sujet depuis 1990. Les objectifs des accords internationaux peinent à être atteints : aujourd’hui, une étude estime à 5% la probabilité de maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C (objectif de l’accord de Paris de 2016). Les scientifiques et les citoyens ne manquent cependant pas d’initiatives. Tribunes scientifiques, pétitions, associations et collectifs pour le climat, marches et grèves de protestations, prises de paroles de personnalités publiques : ces actions semblent peu à peu opérer un basculement médiatique depuis 2019.

D’après l’ADEME, les citoyens attendent de l’action sur l’écologie, et notamment sur les déchets. Nous avons vu qu’il nous reste du chemin à parcourir dans le domaine du tri ménager pour atteindre les objectifs de loi AGEC. Pour les atteindre, nous aurons besoin à la fois de nouvelles solutions technologiques (poubelles, centres de tri…), mais aussi de changements comportementaux et organisationnels, de la conception des produits jusqu’à la remise en circulation de matières réutilisables ou recyclées, pour mieux / moins consommer (et donc produire).À ces fins, des actions de sensibilisation et d’éducation sont nécessaires, pour faire parvenir les informations et les compétences aux citoyens, et favoriser les initiatives, comme le montre l’exemple de Red Hook Compost, plus grand programme de compostage communautaire des États-Unis.

Il est ainsi nécessaire de reconnecter la société au vivant dès le plus jeune âge. L’émergence des nouvelles technologies, comme la réalité virtuelle, sont de nouveaux moyens ludiques pour les petits et grands, qui ouvrent de nouvelles possibilités ; mais ils ne remplaceront pas le contact direct avec la nature.

Comment préserver cette nature ? Nous nous sommes intéressés aux notions de propriété et de communs. Il apparaît que les communs brisent les barrières psychologiques d’exploitation rationnelle (par manque de garantie personnelle), de maintenance et de renouvellement (par manque de valeur marchande), induites par la propriété privée et la dévaluation marchande du bien. Contrairement à l’idée répandue, la propriété privée serait une alliée de l’environnement, pour une exploitation raisonnable et durable des ressources. Cependant, il faut que l’État, acteur sans volonté lucrative, accompagne les citoyens dans la définition de la juste consommation, par la diffusion des savoirs scientifiques aux citoyens, et édite des lois et réglementations permettant d’encadrer et éviter les dérives.

Ainsi, nous ne pourrons atteindre les objectifs visés en nous appuyant seulement sur des initiatives citoyennes, il faut aussi mobiliser les gouvernements et les entreprises. Nous avons besoin de lois et de réglementations, aux échelles locales et internationales, pour contraindre les entreprises à faire passer les préoccupations écologiques au premier plan, au détriment de l’économie[6]. Nous avons imaginé, après une rapide rétrospective des rassemblements politiques marquants en lien avec l’environnement, la Loi sur la Protection Environnementale Globale Obligatoire de 2203.

Mais pourquoi tous ces efforts ? La planète n’est-elle pas déjà condamnée ? « Autant continuer à profiter, et faire confiance à SpaceX pour nous emmener dans l’espace quand on aura atteint le point de non-retour. » Quand bien même le fantasme que notre civilisation se balade de planète en planète quitterait un jour l’espace de la science-fiction, il apparaît peu probable que notre société soit devenue plus vertueuse et qu’elle ne reproduise pas les erreurs des générations précédentes. L’avenir ne se trouve probablement pas dans l’espace, mais sur notre planète. Cependant, un changement de vision et de nos modes de vie semble inévitable pour ne pas nous envoler vers notre perte.

Finalement, nous avons imaginé, à travers une fiction, une France qui, dans l’incapacité à se réfugier dans les étoiles, a transformé son modèle politique en instaurant un gouvernement composé des plus éminents scientifiques, privilégiant les enjeux environnementaux au travers de mesures liberticides pour le bien de notre planète. Un scénario peu plaisant, mais qui pourrait être amené à se produire sans changements…

Comme nous l’avons vu à travers nos articles, pour y parvenir, nous ne pouvons pas seulement nous appuyer sur le développement de nouvelles solutions technologiques, moins consommatrices de ressources ; un changement de nos habitudes de consommation, de notre vie quotidienne, est nécessaire. 

Malheureusement, cela ne semble aujourd’hui pas être une priorité pour les politiques et les grands industriels, les intérêts financiers passant au devant des intérêts écologiques. Gabriel Attal déclarait au micro de france info le 1er juin 2023 que l’endettement du pays pour financer entre autres la transition écologique et l’innovation était certes « utile », mais que « la priorité c’est celle du désendettement de notre pays »[7]. Le plan climat de TotalEnergies a été voté et accepté en assemblée générale le 26 mai 2023, malgré le communiqué de Follow This, une coalition de 17 investisseurs, dénonçant principalement des objectifs Scope 3 (émissions indirectes qui ne sont pas contrôlées par l’organisation) à l’horizon 2030, non alignés sur les accords de Paris pour limiter le réchauffement climatique à +2.0°C [8][9]. Les efforts déployés sont aujourd’hui insuffisants par rapport aux objectifs annoncés. En espérant une bifurcation, ou la planète polluée, desséchée et vide de vie imaginée en 2008 dans le film Wall-E pourrait devenir réalité dans quelques décennies…

 

Sources

[1] L’environnement, C. D. N. U. S. (1973). Rapport de la Conférence des Nations unies sur l’environnement, Stockholm, 5-16 juin 1972.
[2] De 1970 à 2009, histoire d’une prise de conscience. (2009, 30 Novembre). Libération. Consulté le 20 mai 2023, à l’adresse https://www.liberation.fr/terre/2009/11/30/de-1970-a-2009-histoire-d-une-prise-de-conscience_596573/ 
[3] Gemenne, F., & Denis, M. (2019, 8 Octobre). Qu’est-ce que l’Anthropocène ? Vie Publique. Consulté le 20 mai 2023, à l’adresse https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique 
[4] Rozières, G. (2019, 11 janvier). Seule 5 % de la surface terrestre reste inaltérée par l’Homme. Le HuffPost. https://www.huffingtonpost.fr/science/article/seule-5-de-la-surface-terrestre-reste-inalteree-par-l-homme_138282.html 
[5] Francois, C. (2022, 21 mai). “Le cycle de l’eau verte” chez les végétaux : la sixième limite planétaire est franchie – Blog d& # 039 ; EcoTree. EcoTree. https://ecotree.green/blog/le-cycle-de-l-eau-verte-chez-les-vegetaux-la-sixieme-limite-planetaire-est-franchie
[6] Pisani-Ferry, J., & Mahfouz, S. (2023, mai). Les incidences économiques de l’action pour le climat. France stratégie. Consulté le 24 mai 2023, à l’adresse https://www.strategie.gouv.fr/publications/incidences-economiques-de-laction-climat 
[7] Votre instant politique du jeudi 1 juin 2023. (2023, 1 juin). franceinfo. https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/franceinfo/votre-instant-politique/votre-instant-politique-du-jeudi-1-juin-2023_5861777.html 
[8] Climate resolution TotalEnergies. (2023, 26 mai). [Communiqué de presse]. https://www.follow-this.org/wp-content/uploads/2023/05/Climate-Resolution-TotalEnergies-2023-ENFR.pdf 
[9] AGNÈS, S. (2023, 26 mai). TotalEnergies : on vous explique la bataille autour du plan climat du géant pétrolier, voté ce matin. Ouest-France. Consulté le 2 juin 2023, à l’adresse https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/total/totalenergies-on-vous-explique-la-bataille-autour-du-plan-climat-du-geant-petrolier-vote-ce-matin-b966871a-f937-11ed-9cb0-66cad6563dc6 

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