Avec la prise de conscience croissante des effets négatifs de l’utilisation des combustibles fossiles sur l’environnement, de plus en plus de personnes cherchent des alternatives plus propres et durables pour alimenter leurs véhicules. Les véhicules électriques ont été présentés comme des options potentiellement plus respectueuses de l’environnement, mais sont-ils vraiment assez verts pour devenir nos véhicules du futur ?

 

En France, des objectifs ambitieux ont été fixés pour accélérer la transition vers des véhicules plus respectueux de l’environnement. Le gouvernement français a pris l’engagement de mettre fin à la vente de voitures thermiques neuves d’ici 2035, texte adopté également par l’Union Européenne. De plus, la France vise la neutralité carbone en 2050. La transition vers des véhicules électriques joue un rôle essentiel dans la réalisation de ces objectifs. En éliminant progressivement les voitures thermiques de la circulation, la France espère réduire considérablement les émissions de CO2 du secteur des transports, qui constitue l’une des principales sources de pollution atmosphérique à hauteur d’environ 30% des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les véhicules électriques offrent une alternative prometteuse, car ils n’émettent pas de CO2 pendant leur utilisation, à condition que l’électricité utilisée pour les recharger soit issue de sources d’énergie renouvelable.

Cependant, la transition vers les véhicules électriques apporte son lot de défis à relever. Des questions persistent quant à l’approvisionnement en électricité propre, à la gestion des batteries, à l’infrastructure de recharge et à l’impact environnemental de la fabrication des véhicules électriques. Il est essentiel de prendre en compte ces aspects dans l’évaluation globale de la durabilité des véhicules électriques.

En effet, en se fiant aux études réalisées sur la France comparant les véhicules électriques à leurs prédécesseurs thermiques à l’aide d’Analyses de Cycle de Vie (ACV), on constate une division par 2 à 5 de l’impact carbone en passant d’une voiture thermique à l’électrique (Figure 1). De nombreux paramètres justifient les écarts entre les études d’analyse de cycle de vie. Ils influencent le niveau d’émissions des véhicules en absolu, et donc le différentiel entre thermique et électrique (en %).Les plus significatifs sont le mix électrique à l’usage des véhicules électriques, le kilométrage total des véhicules sur leur durée de vie, de nombreux éléments liés aux batteries (leur capacité, les émissions liées à leur production, leur éventuelle seconde vie), leur taille, leur consommation d’énergie et l’éventuelle prise en compte des émissions liées aux infrastructures.

Pour un même paramètre, plusieurs hypothèses peuvent être pertinentes : il faut donc comparer l’ordre de grandeur de leur importance. A ce jeu-là et malgré la diversité d’hypothèses dans les études sur la France, la conclusion est toujours la même : question climat, la voiture électrique s’en sort bien mieux que celle qui carbure au pétrole !

Figure 1 – Résultat des principales analyses de cycle de vie sur les voitures thermiques et électriques pour la France [1]

Mais la seule électrification des véhicules ne sera pas suffisante pour atteindre nos objectifs climatiques. Son déploiement est trop lent par rapport aux nécessaires baisses à court terme. Aussi la voiture électrique reste souvent trop émettrice, d’autant plus pour les véhicules les plus lourds. Et gaspiller des ressources en tension (en particulier les métaux rares des batteries, principalement du lithium et du nickel) peut limiter l’électrification de véhicules plus nombreux et plus vertueux. Les SUV électriques, moins aérodynamiques et souvent plus lourds, ne répondent pas à cette double exigence. Il est donc nécessaire d’associer l’électrification avec une forte transformation de nos mobilités vers davantage de sobriété. 

La voiture électrique ne réduit qu’une partie des problèmes liés à la voiture, et sans les résoudre complètement. Il faudra donc aussi réduire la place de la voiture dans la mobilité, pour répondre simultanément aux différents enjeux de transition. La transition ne peut se résumer à un passage de 38 millions de voitures individuelles thermiques à autant, voire plus, de voitures individuelles électriques, tout en gardant les mêmes usages.

 

Figure 2 : Parc de voitures particulières au 1er janvier [2]

A ce titre, on peut rappeler que même électrique, la voiture reste bien plus émettrice que la marche, le vélo, le train ou qu’une bonne partie des transports en commun routiers (selon leur remplissage).

Quelles sont alors les alternatives possibles ? Quels sont les modes de transport individuels ou collectifs qui doivent se déployer davantage pour remplacer les véhicules individuels classiques ? 

Les efforts actuels pour améliorer l’efficacité énergétique des véhicules automobiles et diminuer leur masse restent très insuffisants au regard des enjeux à venir. Pour parvenir à des résultats significatifs, il faudra imaginer des véhicules beaucoup moins lourds et moins rapides. Il existe de nombreux véhicules, entre le vélo classique et la voiture classique (quelle que soit sa motorisation), beaucoup moins lourds que les voitures et capables d’effectuer la plupart des trajets quotidiens, en sécurité et avec un confort acceptable. Certains sont déjà connus, comme les vélos à assistance électrique, les voiturettes ou les mini-voitures, d’autres sont plus récemment adoptés, comme les vélomobiles, les vélo-voitures ou les deux ou trois-roues motorisés dotés d’une cabine.

Figure 3 – Exemples de véhicules intermédiaires. [3]

A titre d’exemple, grâce à son excellent aérodynamisme et à son poids maîtrisé de 50 kg, un vélomobile électrique roulant à 45 km/h a une efficacité énergétique record, 19 fois meilleure que celle d’une voiture électrique de 1,5 tonnes de type Zoé. D’autres véhicules permettent de parvenir à un compromis différent entre vitesse, poids, confort et capacité de transport, tout en conservant une efficacité énergétique remarquable.

Mais les efforts ne doivent pas s’arrêter là. Outre l’efficacité énergétique des véhicules, quatre autres leviers sont importants pour la transition énergétique des transports, comme illustré dans la Figure 4.

Figure 4 – Les cinq leviers de la transition énergétique des transports [4]

La réduction des émissions en CO2 des transports passe avant tout par la réduction des distances de trajet effectuées. En permettant plus de télétravail par exemple, pour éviter les trajets domicile-travail quotidiens, et en favorisant l’aménagement mixte : encourager la création de quartiers comprenant des logements, des commerces, des bureaux et des espaces de loisirs à proximité comme le Stockholm Royal Seaport. Cela permettrait aux citoyens de répondre à leurs besoins quotidiens sans avoir à parcourir de longues distances.

De plus, les émissions de GES liées aux transports passent par la possibilité pour les habitants de se déplacer via des modes de transports plus doux grâce à des infrastructures et services publics : en étendant les réseaux de transports en commun, en développant l’autopartage, en aménageant des pistes cyclables, en créant des pôles d’échanges multimodaux…

Favoriser le covoiturage pour augmenter le taux de remplissage des véhicules individuels en facilitant la mise en relation des conducteurs et des passagers mais aussi la logistique en mettant en place des zones de rencontre et de stationnement réservées aux covoitureurs dans des lieux stratégiques tels que les gares, les centres commerciaux ou les lieux de travail. 

Nous devons utiliser des véhicules énergétiquement plus efficients, comme énoncé plus tôt, mais également nous inquiéter de la source de cette énergie. En effet, rouler en voiture électrique pour des raisons écologiques a beaucoup moins de sens si l’électricité est produite par des centrales à charbon. On peut voir sur la Figure 5 que le mix énergétique d’un pays influe énormément sur la viabilité de la mobilité électrique. Les émissions relativement intenses de CO2 dans le mix énergétique des pays comme la Pologne, la Serbie ou la Macédoine entraînent une augmentation des effets néfastes sur l’environnement en passant des véhicules thermiques aux véhicules électriques.

Figure 5 – Atténuation relative des effets sur le climat tout au long du cycle de vie suite à l’électrification [5]

 

Au cours de l’article, nous avons évoqué les points positifs et négatifs de la mobilité électrique. Nous avons mis en avant les leviers les plus importants pour la transition énergétique des transports ce qui nous a permis de constater qu’outre les progrès en termes d’efficacité énergétique et de décarbonation de notre énergie, il faut aussi faire évoluer notre rapport au véhicule particulier. Nous pouvons quand même retenir que l’avenir de la mobilité passera par l’électrique, mais la voiture individuelle telle qu’elle existe aujourd’hui ne doit pas être l’avenir de notre mobilité.

Thibault Legal

Sources

[1] Pote, B. (2023). La voiture électrique, solution idéale pour le climat ? Bon Pote. https://bonpote.com/la-voiture-electrique-solution-ideale-pour-le-climat/ 
[2] Données sur le parc de véhicules en circulation au 1er janvier 2022. (n.d.). Données Et Études Statistiques Pour Le Changement Climatique, L’énergie, L’environnement, Le Logement Et Les Transports. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/donnees-sur-le-parc-de-vehicules-en-circulation-au-1er-janvier-2022 
[3] Bigo, A. (2023). La voiture électrique passée au crible de la soutenabilité. Polytechnique Insights. https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/planete/la-voiture-electrique-passee-au-crible-de-la-soutenabilite/ 
[4] Bigo, A. (2022). Quelle place pour les véhicules intermédiaires dans la transition énergétique des mobilités ? Transports Urbains, N° 141(1), 20–24. https://doi.org/10.3917/turb.141.0020 
[5] Hung, C. R., Völler, S., Agez, M., Majeau-Bettez, G., & Strømman, A. H. (2021). Regionalized climate footprints of battery electric vehicles in Europe. Journal of Cleaner Production, 322, 129052. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2021.129052